Parce qu'il souhaite acquérir son terrain afin de cultiver des oeillets, Ugolin se rend chez Pique-Bouffigue, bandit notoire, accompagné de son grand-oncle César Soubeyran. Mais les esprits s'échauffent, et la discution tourne mal. Pique-bouffigue, tombé de son échelle , est laissé pour mort... Il succombera quelques jours après , laissant alors vagabonder l'esprit du jeune paysan qui se voit dès lors à la tête d'une véritable fortune... En effet, Pique-Bouffigue étant célibataire et sans enfant, Ugolin pense pouvoir enfin acquérir le terrain tant désiré...
Mais c'était sans compter sur un neveu venu de la ville avec femme et enfant, afin de s'installer dans le mas qui vit jadis naître sa mère... En dépit d'une bosse qui lui déforme le dos, Jean Cadoret, dit Jean de Florette - du prénom de sa mère- est plein de projets...
Heureusement, le prudent Ugolin avait pris soin, quelques temps avant son arrivée, de boucher la petite source qui coule au fond du champ, rendant aride cette terre qui pouvait au contraire s'avérer fort prospère...
Jean de Florette laissera sa santé , puis sa vie , à tenter de réaliser ses rêves d'agriculteur... Mais on ne s'improvise pas paysan, et les deux Soubeyran , machiavéliques à l'extrême, portent leur part de responsabilité dans le calvaire du bossu...
" Je bouche les sources, je plante des ronces, je greffe des gratte-culs, je suis le paysan du Diable !"... Ainsi se définit Ugolin, protagoniste de ce roman de Pagnol... C'est en effet une sorte de suppôt de Satan, à son corps défendant... Le Papet - véritable Lucifer- tire les ficelles de cette sombre histoire , souhaitant aider son neveu , dernier descendant de la famille Soubeyran , à s'établir et faire fortune... Comment ne pas s'attendrir devant le jeune homme qui , pris entre deux feux, celui de l'envie de réussir et celui d'une amitié réelle avec le bossu , tente de composer et de trouver un juste milieu, cherchant par là même à soulager sa conscience...
Le monde paysan, chez Pagnol , est impitoyable... On n'y est pas le bienvenu, la nature elle-même est hostile à celui qui s'invite....Jean de Florette le découvre à ses dépends..." La force et l'endurance des rêveurs sont comparables à celles des aliénés"....
J'ai aimé ce premier volet du dyptique L'eau des Collines, lu il y a quelques années, redécouvert avec le Challenge Marcel Pagnol.... J'ai été frappée par le nombre de similitudes entre ce roman , et La gloire de mon père... outre les lieux, je me suis surprise à reconnaitre dans l'arrivée des Cadoret dans leur propriérté l'arrivée de la famille Pagnol au village de La Treille , par exemple... Ressemblances troublantes entre les deux passages...
On ne peut rester insensible face à l'horrible machination orchestrée par César Soubeyran, on ne peut que compatir avec le pauvre Galinette écartelé tout au long de roman, on ne peut que souffrir avec le bossu s'acharnant à la tache, et maudire le silence pesant des villageois, leur indifférence chauvine qui pouvait sauver la vie du pauvre homme....
Le style toujours poétique de Pagnol se voile ici d'une réflexion plus sombre sur les travers des hommes , rendant son style plus grave, pour le plus grand plasir de son lecteur....
Et je me suis surprise,encore , lorsque Jean de Florette prenait son harmonica, à fredonner l'air entendu dans le magnifique film de Berri....